TEXTES DE DIVERTISSEMENT (PAR YAN DEXTER DOLT)
en écho au projet Première impression
- dialogue : entre une action, et plus précisément, et ses raisons... -
1. Annoncé
ainsi presque en vedette américaine, il me revient en mémoire
le petit cinéma de quartier de mon enfance. Là, entre le
documentaire et le film après les actualités et avant
les publicités sévissait un petit divertissement, petit
spectacle d’entracte propice à la vente de pop corn et
d’esquimaux, prélude gustatif et visuel aux grandes épopées
héroïques ou cow-boys ou machistes en polystyrène hollywoodien
enfourchaient le grand combat du bien contre le mal ! Déjà !
Textes de divertissement ! Pourquoi pas ! D’autant plus que la
formule vient de moi ! J’ai un petit faible pour ce qui est
léger, les textes de petites formes, textes où l’on se fait
plaisir à défaut de textes de plaisirs ! Bref des petites
bafouilles pas trop débrayées stylistiquement, serrées dans
l’écriture, lisibles autant par la boulangère que par le docte
professeur d’université ! De quoi faire baver d’envie nos
inénarrables communicants, nos vénérables animateurs
socio-culturels (ou ce qui en reste), un produit apte à la joie
enfantine des amateurs de pâtisseries fines autant qu’à la
fonction de coupe faim pour la rapide cuisine littéraire des
halls de gare ! Bref, des textes simples sans être trop
simplistes cependant, jamais vulgaires et consommables en l’état
– pour peu qu’un état soit consommable – ce qui est une autre
histoire ! Du publiable facilement, rentable juste de quoi
renter dans les frais sans jamais bien sûr prétendre au best
steller ! Bref de la petite musique savante pour écoute
distraite avec l’humour en plus ! Donc des textes vaches autant
que vachement bien ! Des textes pour rire du coin de l’œil
plutôt que de s’épancher dans les larmes narcissiques de
l’incompréhension du monde ! Bref des petites machines
parfaitement adaptées à l’époque ! Yan Dexter Dolt, août 2006 |
2. Chercher
un nom ? Mais tout le monde cherche à se faire un nom ! Tout
le monde cherche un nom comme on cherche une place de parking,
un grand amour, du travail, un sens à sa vie ! Nous on
cherche un nom pour notre musée ! Et ce n’est pas simple ! Notre
musée c’est ce magnifique bâtiment administratif où nous avons
passé plus de trente ans de notre vie, toi comme standardiste et
moi comme gardien de formulaires ! Le musée des utopies, le
musée des anciennes névroses, le musée des notes de services, le
musée de l’éternel classable ? Oui Mimine ! Le musée de
l’ancienne administration ! Pourquoi tout s’est-il effondré si
vite ? Pourquoi veulent-ils tout raser ? Un si beau bâtiment ! Yan Dexter Dolt, août 2006 |
3. Nous nous
demandons souvent pourquoi nous nous posons tant de questions
! L’autre jour nous mangions ensemble : tu m’as demandé
de « commettre » un petit texte. Yan Dexter Dolt, août 2006 |
4. Quand les
illusions s’effondrent avec la surprenante majesté des tours
du World Trade Center percutées par les missiles de
l’ultra-libéralisme religieux, lorsque le politique ne
se réduit plus qu’à de la vague communication spectacle, lorsque
les croyances ne sont plus crédibles, lorsque que le bon sens
devient insensé, lorsque la droite se pare d’habits de gauche et
la gauche de costumes de droite, lorsque le centre est décentré,
lorsque Dieu est mort pour la millième fois et que toutes
symboliques non rentables sont impitoyablement éliminées, il ne
reste plus qu’une hypothèse : le marché ! C’est-à-dire la
proéminence de l’argent, de la marchandise sans aucun garant
moral. Mais pour étudier le marché, il faut être intelligent !
Ça s’étudie ! On appelle cela une étude de marché !
« Produire un produit », c’est le propulser sur une aire
spécifique, une mise en orbite avec lancement adéquat vers le
saut dans l’inconnu, comme disait le bon vieux Marx ! Le marché
aurait comme ambition de combler un manque ! Or ce qui manque le
plus actuellement c’est du sens ! Entendons un sens un peu plus
original que consommer ou travailler pour « gagner sa vie »
(pour la majorité — gagne t-on sa vie par « le travail » dans la
société française actuelle — si oui ou non de quelle
perte ?) Or dialectiquement, cette perte correspond aussi à
un marché que j’appellerai le marché de la dépression ! Ce sens
perdu qui fait que des millions de gens ne se retrouvent ni dans
la gauche ni dans la droite ni au centre et qui en désespoir de
cause visent le périphérique neurolexique !!! Des millions
de gens en souffrance, déracinés autant de toutes les utopies
généreuses, que des concrets élémentaires : un magnifique marché
en perspective ! Un magnifique marché servit tout cuit par
l’ultra-libéralisme ! Autant dire un marché en pleine expansion
! Coté en bourse, le marché du désespoir ! Qu’il en soit
remercié ! Que soient aussi remerciés les politiques et toutes
les institutions fossilisées ! Que soit remercié le
bullocratisme fustigé par Jean-François Khan ! Que soient
bénies nos démocraties « vertueuses » qui vont nous permettre de
nous faire des couilles en or ! Vive l’argent !!!
Enrichissons-nous ! Yan Dexter Dolt, décembre 2006 |
5. En
période d’épuisement des nappes phréatiques de l’intelligence
dangereusement touchées par un réchauffement à blanc de la
planète marchandise, le marketing du plaisir atteint le
comble des plus values cotées au CAC40 de l’hédonisme conforme
!!! Consommer du spectacle consommer de la culture se divertir
de tout et de rien même de la catastrophe consommer du savoir
pré mâchés, du savoir déjà digéré, du savoir en kit pouvant être
congelé et réchauffé à tout moment, le fast-food de la culture
atteint des sommets de sophistications commerciales
inimaginables et vertigineuses ! Cette folie génère la
construction d’un sujet chloroformé, assommé de tout et de rien
librement anéanti par l’illusion de lui-même et, comble du
paradoxe, plus du tout apte à la consommation proposée par le
libéralisme fou !!! Donc attention ! J’attire l’attention de
tous les néo-libéraux de la planète terre. Non seulement vous
êtes en train de scier la branche sur laquelle vous êtes assis,
mais en plus vous nous faites chier ! Le libéralisme sauvage et
son politique spectacle génèrent une démocratie d’ennui, de
surconsommation et de communication bidon dont personne n’est
dupe ! Vous nous faites agoniser d’ennui ! Effrayante
singularité ! Que deviendrait un marché potentiel uniquement
constitué de sujets agonisants et baillant sur le vide ? Sujet
sans pensés perfusées, autistes, inaptes à la parole incapable
de communiquer leurs plus élémentaires besoins de faute d’en
avoir ingurgités des totalement inutiles pendant des décennies !
Je pousse un cri d’alarme ! Il faut sauver la potentialité du
marché culturel ! Sinon c’est la catastrophe ! Sans
consommateurs ni produits répondant à son besoin, le marché de
la vraie culture est en jachère ! ! Du pointu ! Messieurs ! Du
pointu ! Quittez TF1 ou M6 ! Ils vous faut
absolument faire un ou deux stages chez Arte and co.
Sinon, allez voir là–bas si j’y suis ! C’est impératif !
Cultivez-vous ! Finissez impérativement vos deux ou trois albums
de coloriages si laborieusement commencés ! Le peuple a faim de
culture ! Un peuple qui a des fringales culturelles est apte à
la démocratie. Le marché court un grand danger : la médiocratie
n’est plus adaptée. Le marché de la médiocratie est saturé vive
la plus value de la vraie culture ! Yan Dexter Dolt, janvier 2007 |
6. C’est
souvent dans la fatigue d’un soir de grande tempête, que vient
la formidable paix sans espoir ! Comme l’heure d’un bilan sans
cesse recommencé sans cesse contesté sans cesse remis
sur les chantiers de l’aléatoire pour se perdre dans les nuits
sans lune d’un hypothétique lendemain ? France mère hagarde,
mère épuisante qui semble sans terre ni espoir terre sans départ
ni retour bientôt presque sans présent ni avenir. Sans présent
ni avenir… uniquement rivée à un passé mystifié terre qui ne fut
très souvent qu’illusion auquel il fallait donner un nom comme
l’on pouvait dans les or et le décorum d’un moment. France
devenue numérique télévisuelle, communicationnelle,
institutionnelle et sempiternelle, tu ne m’amuses plus, tu n’es
plus que l’ombre fantomatique d’un passé d’invention et de
fabrication. Et pourquoi pas ? Le comique des situations
ubuesques de ta bureaucratie de merde ne me fait plus rire. Je
voudrais que tu deviennes joyeuse, aussi sérieuse que frivole
comme une jeune et belle une jeune et belle femme qui n’aurait
plus le courage d’être indigne ! J’en ai marre de tout ce cinéma
de toutes ces stratégies de polichinelle, de tout cet
américanisme de bas étage fait pour des gratte-cheveux qui se
prennent pour des gratte-ciel. Yan Dexter Dolt, janvier 2007 |
voir également le texte publié après la première présentation de Première impression